poésie de Huguette Bertrand


Deuxième partie

 

D'un souffle
le vent du nord me transporte
jusqu'au quai d'un sourire
près de la surface frémissante
de l'oeil ouvert
sur le monde alentour
sourire caressant un cri d'oiseau
son nid de mots
secrètement murmurés
à l'oreille du lit
Dans le conflit des vents du nord
la chair vibre fluide
avant la levée du rideau

c'était le vent
c'était la chair
c'était fluide
juste avant la nuit
son silence

D'où vient cette tendresse
venue d'on ne sait où
doux croisement de mots imprévus
que la peau réjouie
en oublie ses faiblesses
goûter des jours
bonté des nuits
à la poursuite des heures
sous l'épiderme du quotidien

oser la douceur
oser la tendresse
mais où est donc passée la caresse
dès l'éveil ?
Dans le giron d'une histoire sans fin
une lectrice regarde des mondes anciens
des mondes nouveaux
en un tour de mémoire
retrouve des foules
en leurs désirs inavoués
avoue la somnolence
se rappelle qu'il est temps
de baisser les paupières
de tendre les bras à la nuit
tendre la nuit vers le rêve
des intimités
déjouées
Rouge le désir
quand la parole se fait
chaude intense
à travers les violences
du coeur
essentiels les mots rouges
les désirs du coeur
effacent les violences
par le sang
parlent aux sens
À travers les ondes
l'amour chuchoté
au creux de l'oreille
se respire par le coeur
envolé vers l'infini
des mots à dire
à reconnaître
dans ce désir
fondu dans la volupté 
Bleus de source
bleus de mer
bleus de terre
à même nos différences
  
En silence
les mots respirent des blancs
des masques
des mondes
répètent des rôles intimes
ultimes
derrière les rideaux
avancent morcelés
jusqu'au désir
enfoui dans la cendre
du temps
Philo filons
entre moments trop fascinés
en quatre temps
en deux mouvements
dans l'entretemps
pas d'quoi en faire un flan à la vanille
avec le jus des grands cerveaux
très bien campés
quand les élans des sens
manquent à l'appel
autant rester à la limite
en sirotant l'expresso bouffe
devant son petit-déjeuner
  
laissons machin et compagnie
dans le bordel des jours trahis
agrémentons les abstractions
de métachoux
de métaphores
métavision à même les sens
métamorphose
de toute essence
Quand le cri du corps se fait dense
et danse le corps
dans la nudité du cri
danse le cri
sur la peau nue
danse le souffle
dans l'air
par le geste
par le corps
par le nu
en sa douleur
en son silence
un cri de femme
révélée
La vie cette toile
d'enfer d'amour
ballotte la vie
ballotte les jours
des fils d'ennuis
des jours de vie
quand faire l'amour
regorge de vie
balaie l'ennui
charrie les jours
charrie la vie
la toile la vie
la vie l'amour
reprend son cours
que vivent les mots
que vive la vie
que vive l'amour
Vaste silence
dans un chant de tendresse
vacille sur le coeur
dévasté tendu
tendre et tendu
tendre et tant doux
tendrement libre
est ce chant de douceur
tendre est l'envol
au coeur du silence
vacille le temps
vacille le coeur
Au creux de la main
une caresse étouffée
vibre dans la lumière
souffle sur le chant
d'un oiseau envolé
libre dans la lumière
librement étouffé
en son chant
toujours caressé

durs les mots doux
caressent l'envol
d'un chant
étouffé

Enfiévrée
l'ivresse des mots nus
explore le bleu silence
sous un ciel violent trop cendré
sur la courbure du dos
trace des mots larges et drus
bleu à peine
bleu miroir
mots bleus azur
Au crépuscule
le soleil langoureusement glisse
sur les courbes rousses
des montagnes incendiées
lance un dernier soupir flamboyant
allé se fondre dans la soie
de l'horizon
étonné
Rouge verdoyant
l'amour se baigne bleu
dans l'espoir
affiché sur le mur effronté
des impasses
figures dans les fissures
traces sur le temps
des mémoires sculptées

Sur l'effondré des pierres
un regard ravisseur
secoue la lune
chaudement transfigurée
et rebelle
misère à poil
au pied du mur
terrifiée

Douce nuit
quand dort le jour
sans dessus dessous
boulimie d'heures indues
criblées de mots de gestes
à même la désirance

Il est 6 heures
tout le monde debout
c'est l'heure soumise
aux insomnies
s'en va mourir
au pied du lit

De coup d'coeur
en coup d'coeur
de poème en poème
le momentané
toujours dans ses atours
affectueux
fuse ému
d'humour en humeur
de tendresse en péril
ce goût du risque
en hommage
à l'amour
S'étirent les longues nuits
sur un prénom appelé
femme
que les hantises brûlantes
écrasent de jour
promesses bénies
fraîcheur des langues
toujours
dédiées
Il fait silence
il fait mouvements
dans ce corps modulé
entre soleil
et pluie rose

peau d'âme
peau du cri
le cri à l'âme
le cri s'alarme
la peau se lie
à l'âme du cri
délit de l'âme
défie le cri

Le vent souffle
sur un champ d'ombres
dépliées par les mots
qu'un soupir projette
sur un lit enneigé immense
d'où s'élève
un chant voluptueux
cet écho
désavoué

il neige noir
sur la vastitude blanche
du temps

Pulsion océane
dans le corps des mots
transfuge en équilibre
accouché sur les lignes
en mouvements imprévisibles
se fraie un passage
dans le rosé d'un paysage
imprimé à l'infini
sur la peau du cri
  
hauts de l'âme
au-delà
oser l'au-delà
vers le haut
vers la bas
vers l'âme
en travers du mot
à travers la peau
en dessous d'une parole
s'étire s'étiole
dans le chaud d'un mouvement
dépossédé
À la source du monde
une femme bleue
en ses yeux d'enfant
pleure sur les guerres  
la faim l'exil
au coeur des fontaines
retrouve l'or
d'un monde
oublié
Au coeur des mains
des poignées de mots
se partagent
avec tendresse
répandent des sensations
des ivresses rares
au sein de l'être
secoué
dans le momentané
d'un court instant
disparu  
à tout jamais
Je ne suis que le vent
abandonné aux tempêtes
enveloppé de matière
dénudé par l'instant

Je ne suis que tempête
abandonnée par le vent
la matière dénudée
me transporte dans l'instant

Je ne suis que matière
dénudée par le vent
je transporte des tempêtes
et poursuis les instants

Je ne suis qu'un instant
dénudé virtuel
j'abandonne les tempêtes
et je sombre dans le vent


© Éditions En Marge et Huguette Bertrand
Dépôt légal / février 2000, 49 p.
Bibliothèque nationale du Canada
Bibliothèque nationale du Québec
ISBN 2-921818-17-5 - Tous droits réservés

 

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