Carole MENAHEM-LILIN

 

NUDITÉS

Nudité :
La peau,
Une plage offerte
À l'écriture du désir
Au surgissement provisoire

Visage renversé
Entendre par les mains,
Voir par le ventre,
Par les cuisses, par le dos,
Dans le mouvement, boire

Et ne plus rien savoir
que de l'intime, le tournoiement

Faire silence
pour que se nouent, là sur la peau
entre mon être et l'air
noces inespérées
tourbillons sensitifs
mille signes affolés
nus.

Nue
Me découvrir pour
Entrer dans l'air, dans l'autre comme dans l'eau
Beau baptême de l'être

M'inscrire sur la page blanche
Écrire avec mes traces,
Avec mes pieds ou mes cheveux
Tatouer salive, émotions et odeurs
Multitude savante
À qui le sens par trop de sens, sensations
Échappe

S'échappe.
Nue
Dérouler au-dehors ce qui s'inscrit et s'enroule en-dedans
Être, le temps d'un battement de paupières
Un livre ouvert ou
Un parchemin déployé

Puis refermer ses pages
Reprendre ses rouleaux.

Souffrance
Que de s'ignorer
Que de ne pouvoir se lire.

Et ne se voir
Que dans les regards décalés

Je suis plus étrange à moi-même
Que l'étranger qui me découvre

Une source inconnue de langage.

Nudité :
Ventre et hanches de femme.
Dunes
Striées par l'étreinte du souffle
Peau où se sont inscrites mille empreintes
Minuscules oiseaux de la nuit
Traces apportées emportées par les voix

Au matin
Naissance du signe
Dans son berceau de voluptés.

CHORÉGRAPHIES DU NU

Nus rosés
Aubes descendant l'escalier

Nu et son double
Dans le miroir
Chair contre souffle se
regardent

Torse majuscule

Dans
l'extase
s'envole

Esméralda
Danseuse noire
Papillonne rose

Esmée,
Alda,

Parmi les signes
Esméralda
Se hâte, se dédouble

Donne échappée au souffle
Impatient
En ses pas

Gouffre blanc et jetés noirs
Alda défie la pesanteur
Esmée entrecroise nos vies

Peau de la lettre, appeau de l'être
Quand le corps se fait signe
Calligraphe et chorège

Danse affûtée sur le vide.

Esmée la rose
Alda la noire
Esméralda
D'encre et de chair
Trouble nos arabesques.

CALLIGRAPHIE DU NU


Torse majuscule
Nu papillon
Pris au piège des lignes

Se dédouble et s'échappe
Détoure ses contours

Devient phase d'une phrase
Devient être d'une lettre

Est-il le A de Femme
Ou le O de l'orgasme
Le I de l'origine ?

Ou parages du rien
Subtile envie de vide
Peau calme du calame
Entre pleins et déliés

Torse majuscule
Nu papillon
sur la page calligraphe :
un presque rien, ce souffle
la prescience et le désir vide

Ou encore le silence, et qui guide la main.

INVOLUTION

Corps
Orbe traversée
Affamée de lumière

Éclats de voix et de caresses
Migrations de paupières sous la peau

Tout un monde replié
Involuté

Labyrinthe de la chair
Sensations orphelines de mots

Roses
Rose rose mystique.

Divagations

Sur la peau
Lignes sensitives
Qui vont, vaguelettes
Où le frisson frisonne
Où l'ignoré surgit.

RAMÉES

Le nu se fait feuillée
Bourgeons éclos à même la peau
Paupières, lèvres et vulve en un seul surgissement,
En un bouillonnement du songe,
livrés.

Sur le ventre
S'est ouverte la blessure
Délicate,
Comme feuille dépliée
Comme coquillage,
Comme chagrin d'enfant.

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Carole Menahem-Lillin - © Tous droits réservés

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mise en ligne 9 juin 2004
avec la permission de l'auteure