Jean-Paul GAVARD-PERRET


AU REGARD DU SILENCE

"Que vois-tu donc
Que puisse entendre aussi
Celui qui te désigne ? "

Hiver sur le silence ouvert - traces noires éblouies, prononcées du bout des doigts.

Neige close, jardin nu. Il clôt son éloquence, il ne charge plus.
S'éloignant de sa mémoire il ne farde plus le silence. Errant, pénitent ivre, il s'enfonce dans les collines.

Il est absent, il n'est que ce silence dans le miroir du temps.

Il abandonne les mots pour ce point final et le silence qu'il ouvre en marquant le limite.

Ainsi, contre la vivante mémoire des choses, la bouche se referme sur ce chaos pour qu'il n'y ait plus d'écho.

Le noir, la distance, ce qu'il cache des choses. Loin, inconnu - il serait innocent.

Corps coupé, mais l'irréductible n'est pas la fin.

Juste sentir s'éloigner ce qu'il ne peut voir : l'un n'a jamais été cet affleurement de l'autre.

Il laisse là le piège de la démesure.

Traces, noire, transparence. Au silence du regard.


12.02.99





Extrait de
L'Araignée de feu, Éditions du Non Verbal/A.M.Bx, 1998


Deux corps sculptés ensemble dans le même frisson.
Jusqu'à ce que.  Syncopes dans les braises.  Rien
qu'une image là où l'oiseau se dégrafait.  Cinq
empreintes de doigts sur ce qui se tend encore.  S'en
tenir là. Et ce blanc qui échappe.  Près du sillon.  Qui
s'écartait.  Et dont la main n'est que le faire-valoir.

Quelque chose se perd.  Pour mieux se retrouver.
Goutte à goutte.  Dans ce trou.  De mémoire.  Vers le
blanc.  La phrase nettoyée.  La vieille histoire
dénudée.  Quelque chose du geste.  Sa poitrine
gonflée d'une marge essentielle.  Ici, là-bas le vide et
le trop plein.  Quand l'univers est courbes mais qu'il
ne rompt jamais.  Elle, débordante : l'empreinte d'un
baiser dont il ne guérira jamais.

S'en remettre à ça, la prise.  Qu'il ne reste qu'un
interstice.  Sa bouche seule.  Vers le risque.  De tout
donner.  La chambre nue, sombre.  Sans luxe.  Juste un
vase de fleurs sur le bord de la fenêtre devant un ciel
brûlé.

Pour un temps encore. Dans la pièce presque obscure.
Qu'elle dessina pour lui.  Elle a dit oui.  Elle voulut
encore plus.  Elle et lui.  L'entrelacs, le lacis.  Elle lui a
dit «je suis l'Araignée de feu», alors imaginez.

31.01.99


du même auteur :

Corps de Pierre, Le Pont de l'Épée, Paris, 1976
Elle, Écrite, Hautécriture, Nouaillé, 1990
Dans ses gestes, l'Attente, L'incertain, Paris, 1991
Le délit d'Absolu, l'Arbre à Paroles, Amays-Bruxelles, 1991
L'effacement, L'Arbre à Paroles, Amays-Bruxelles, 1992
La Répétition, La Demeure, La Main courante, La Souterraine, 1992
Le jardin des délices, Le flâneur des deux rives, Juvinas, 1996
Douce, techniquement, dessins de Marcel Warmenhoven, Ecbolade,    Noeux, 1996.
Ibériques, (Grand Prix de Poésie de Val de Seine 1996), Editinter, 1996
Nécessaire sacrifice aux étoiles, Le Givre de l'Éclair, Troyes, 1997
Généalogie vénitienne, Rafaël de Surtis, Chèvres, 1998
L'Araignée de Feu, Apories, Éd. du Non Verbal/A.M.Bx, 1998

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