Silvaine ARABO



      Je vais te dire l'histoire d'une aurore
      Sculptée par les mots d'une femme-poète:
      Une femme que je connais et ne connais pas
      Une femme familière...

      Une femme lointaine
      Parmi ses neiges et ses vents
      Accrochée à de lentes routes de retour :
      Des routes fragiles et fortes

      Douloureuses et légères,
      Comme cette femme qui revient
      Incessamment dans ma mémoire
      Si triste des lacs abandonnés

      De l'amie désertée
      D'un Printemps qui ne vient pas,
      Cette femme qui rit aussi
      Comme pétillent le champagne

      Les paroles et les pépites...

       
      9 avril 1997



            ALCHIMIE DU DÉSIR , La Bartavelle Éditeur, 1996.
              (extraits)


           Sous nos genoux, à vif sur nos nervures, l'apai-
      sement des plans d'eau. Quelque chose comme le mouve-
      ment d'une immobilité. L'immuable et l'accessoire. Le
      temporel et l'éternité. J'ajouterai le vert. Et si je veux
      peindre absolument l'aquarelle de cet amour qui nous
      soude dans nos molécules mêmes, je dirai le bleu. Un cer-
      tain bleu. Comme ces fumées d'horizon qui partent à l'infi-
      ni,le soir, cette ivresse légère du temps qui passe, ne pre-
      nant en compte, finalement, que notre immortalité.

                                    ~ ~ ~ ~ ~

           Passés les murs du désir, il reste encore la soif:
      cette soif qui nous porte et nous fait ce que nous sommes.
      On peut tout oublier, un jour il faut recommencer. Une
      immense amnésie nous fait la grâce du pardon; nous déva-
      lons de nouveau les petits sentiers qui ne mènent nulle
      part. C'est à dire Ailleurs.
           Et c'est l'enfance,ses salves d'aubes, le dessin
      du givre sur les vitres, une immensité de pommiers à crouler
      sous la mémoire, et nous, encore,dans les reflets de sabre
      des miroirs
           L'amour
           Enfin redécouvert.

                                    ~ ~ ~ ~ ~

           Attends le soir et son vacillement hautain de Prince :
      tu m'es substance et chevauchée, égoïsme perdu dans les
      égoûts du temps. Ne s'égarent que les dédales, les com-
      pliqués échevaux.
           La mélodie fondamentale, la ligne pure, elle, troque
      sa virginité pour un sourire de toi.
           Annulant dans ses étraves  ces quelques plis amers
      qui font l'antique pesée des âmes.

                                    ~ ~ ~ ~ ~

          Septembre et ses coulées de fruits, la cible dure de
      Janvier, l'aura de Mai
           Jamais n'égaleront ces replis où tu te glisses, insolent
      et subreptice, avec tes coulées de givre,la couronne bleue
      de tes saisons, cet Instant saisi où tu me poignardes,
           Lieu géométrique de nos convergences, quand la sub-
      stance même s'évapore et devient plus subtile que la lumiè-
      re.


    C'était un oiseau
    Un bel oiseau
    Un oiseau couleur feu
    Avec quelques plumes blanches

    C'était un oiseau
    Un bel oiseau
    Un oiseau qui neigeait
    Goutte à goutte sur le sol

    Son sang vermeil.
    C'était un oiseau
    Un bel oiseau
    Qu'on entendait le soir sur les terrasses

    C'était un oiseau de mer
    Un oiseau de feu
    Un écho des montagnes sauvages
    Là-bas...

    C'était...Et je voudrais ne pas m'en souvenir
    C'était hier
    Dans le claquement des fusils
    Et le pas épais des hommes

    A la lourde frappe.
    C'était hier :
    Un murmure affolé dans les oliveraies
    Une fièvre qui courait sur le Guadalquivir

    Un frisson pour dire la mort de l'oiseau
    Ses soubresauts, l'éternité de son chant,
    La malédiction des gitanes en pleurs
    Contre ces hommes bottés

    Casqués de nuit.
    C'était un oiseau
    Un bel oiseau                  
    Un rossignol

    D'Andalousie.

    On l'appelait: Federico Garcia Lorca.


    22 mars 1997



GÉOGRAPHIE INTÉRIEURE

      L'eau s'échappait des pourrissoirs. Dans la rue, des gangrènes d'arbres se suspendent à ma robe. J'espère en un lointain avenir.
     Ma mère morte ressemble à un Ange de Vinci. On dirait une jeune fille. Comme si la mort avait le pouvoir de libérer la quintessence de l'être. Une jeune fille ou un oiseau. Le poids d'un oiseau sur le drap.La camarde en moi longtemps sommeilla. A la fête des beaux garçons je l'ai remisée au clou. Mon coeur est tanné comme le cuir des vieux marins.
      C'est dans la ville qu'à tâtons les aveugles retrouvent leur chemin. Mon imagerie est pleine de roses : d'Orient, de Hongrie, du désert; on y confectionne même des parfums, vendus très cher.
      Y compris dans les foires.
      J'ai l'oeil qui témoigne d'une histoire personnelle parfaitement anonyme. Dans les ruelles du désir, j'interroge de vieux bonzes dont le sourire énigmatique est la seule réponse : je me demande s'ils se sont baignés dans le Gange, s'ils ont contemplé les fjords, là-bas, dans une Norvège d'autrefois, avec ses aurores boréales, les plis de ses déserts, et, tout au fond, la chapelle intérieure.
      Pauvre errance! Chat de gouttière sous la pluie, tu mimes encore tes destins, et leur donnes ce Poli des ans que n'a jamais renié Son Verbe.



        De lents et vastes oiseaux
        Pour éclabousser les dunes
        Frôlement doré des ailes
        Sur la blancheur crue
        Des sables éblouis

        A qui soudain cette
        Fleur de lune
        Qui ruisselle vers l'aube
        Tige extasiée
        Sous le Grand Rire Universel
        Et les vagues qui déferlent là-bas?


Merci à Silvaine Arabo de m'avoir communiqué ces textes
1997 - Tous droits réservés

Poésie d'Hier et d'Aujourd'hui
site de l'auteure



Retour aux invités
ou
Retour à l'accueil