KESSAIR Abdel Wahab

PLAINE

Sans avoir à raconter la vieille dame se mit à parler

Rien n’est plus comme avant
Sauf moi
Je suis restée inchangée
Je regarde les alentours pétris de temps
Me cherchant un réduit
Pour caser ma raison loin des harmonies
Mais rien ne sort de mes suites désarticulées
Et me posant la question du pourquoi
Je ne me trouve pas d’écho
Dans les mailles de ma mémoire termitière


Je m’interpose entre l’espace et le temps
Comme une pensée fossile
Je ris de mes subtilités archaïques
Je me revois récitant Khayyâm dans les larmes
Plaignant les cruches
Déversées sur le doute ontologique
Rien n’est plus pareil
Je demeure


Aujourd’hui il a plu, c’est jour d’été dans la plaine qui flirte avec mes formes
ravagées, je me suis noircie les yeux de khôl, pour voir les nuances douces
Des ombres qui s’allongent sur mes reliefs fuyant
les adjectifs ils me rassurent j'en raffole
Sur le piano qui sommeille dans son absolu une fine poussière s’est posée
Je la garde pour distraire mon index qui tracera un cœur et une flèche
Comme au temps des graffitis rupestres sur les cloisons du Tassili
Je suis restée pudique
Rien n’est plus comme, cette comparaison m’oblige à un ton des plus fous
Je n’y crois rien
J’aime chanter et me laisse prendre aux ondulations tristes sans y succomber
Je compte durer encore,
je souris des yeux assombris
Mon ami d’autrefois doit être mort
Ça ne laisse même pas un vide
Comment rester discrète dans cette quantité de choses accumulées
Cet amas de mots et de monuments délirants
fine poussière sur un buffet clinquant serait-il devenu


J’imagine des chutes d’empires des cataclysmes solaires et foules de remous
Planétaires je redessine la carte des étoiles et change souvent le tracé des comètes
Dans les larmes je commente les Jardins de Saadi à mon intelligence poétique
Cela aussi existe n’en déplaise
Je marche le soir et les matins aussi dans mon jardin potager
Je mélange les arômes dans mon cœur en frottant des mains les racines profondes
Seule je sais le procédé
J’enfouis parfois dans la terre des vers de toutes sortes
Rien n’est plus je m’entête à le croire et à me fondre dans ce méandre sans nom

Mis en ligne avec la permission de l'auteur - 15.08.09  © Tous droits réservés

Pour contacter l'auteur : malkrev@hotmail.fr


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