poésie de Huguette Bertrand


Deuxième partie


    D
     
       É 
          L 
             I 
                R 
                   E 

       
       

 

Espace de feu 
que le temps attise
dans le corridor des attentes
en quête de durée

                     Espace de pluie
                     qu'asperge le temps
                     ultimes orgasmes
                     des continents

                     Espace de terre
                     qu'ensemence le temps
                     de grâces enfuies
                     des temples incontinents

Espace de l'intime
murmuré par le temps
souvenance à nos lèvres
prononcé

Craintif
l'oeil murmure des beautés
que promène une image solitaire
au-dessus d'un sourire blessé

image à angle ouvert
sur des mots couverts
image à angle indiscret
sur des mots discrets
image entourée d'angles
couverts et discrets
retournée à l'âme
solitaire



O

 

 

 


Ange écartelé 
entre deux douleurs 
que la chair approuve 
solitaire

Paradis symptomatique
de chairs de femmes offertes
aux abords de leurs fruits
achevés

Symptôme d'anges
agrippés aux solitudes
écartelées entre deux tristesses
longuement approuvées

Symptôme de solitude
d'un regard   d'un sourire
prolonge l'âme
jusqu'aux sommets impardonnés

Symptôme du hasard
quand viennent mourir les heures
aux pieds d'une peine
sans rire
sans rien
rien

Mots à rire
Mots à pleurer
s'en vont mourir sur une page blanche
vivante au coeur de soi
vivante au coeur   vivante en soi
à mourir de rire et blanche
quand les matins s'en vont pleurer sous les arbres
quand les arbres vont déposer
le coeur sur le temps
quand ce temps vient jeter l'ancre
au coeur des mots
en silence

 


Au coeur  des mots
un
silence pleure
sur
le temps

 


   
au seuil de l'âme 
  
    le poème s'enivre 
 
    de jours   
 
    déçus
 

Pendu au bout d'une ficelle noire

le corps attend menu

ce dépôt des chairs

entre deux phrases grises

que l'on porte jusqu'au seuil de la voix

résidus d'une foule venue applaudir

le spectacle des heures

en ce jour déchu

Au fin fond de mon univers
je chevauche les étoiles pour faire rêver
les impatiences des alentours
vieille habitude offerte au temple
des croyances qui bavent
sur les amours inachevées

semer le vent
semer le temps
de ce lointain paysage
sur nos paresses
endormies

    *       *        *         
         *       . 
    *       *        *  
             .    *  
       *   *         *  
          *      . 
    *        *        * 


       |~~~~O|

un songe d'été
colore les arbres
de leur automne gris

Quand cette pomme tomba de l'arbre
l'automne venu a dégusté
le fruit   le jus   les coloris
d'un très vaste pays
abandonné
dans le courant du feu des femmes
trop morcelées

Les mots ont quelque chose à dire
à nos essentiels

cherchez-les
         trouvez-les
             mâchez-les
                    digérez-les

ne resteront
que les mots essentiels
parmi les vôtres
les miens
et ceux des autres
  

Essentiellement vôtre,   

                                         le mot

les mots les mots les mots les mots les mots
les Un les mots les mots les mots les mots
les mots les mots les mots les mots les mots
les mots les mots les mots les mots les mots
les mots les mots les mots les mots les mots
les mots les mots les mots les mots les mots
les mots les mots les mots les seulles mots
les mots les mots les mots les mots les mots
les mots les mots les mots les mots les mots
les mots les mots les mots les mots les mots
les mots les mots les mots les mots les mots
les mots les mots les mots les mots les mots
les mots les mots les mots les mots les mots
les mots les mot les mots les mots les mot
les mots les mots les mots les mots les mots
les mots les mots les mots les mots les mots
            o   O      o    O   o         O   o 
                     O      O          O         O 
       o O o        O      O   o      O 
              O           O       O     o          O 
        o     O o        O      O    O o   O 
                    O    o O   O          o  
         O o O           o        O      O  o   o
 
~~~ ~   ~~ ~ ~~ ~~~ 
    ~ ~ ~ ~~ ~~~ ~~~~ 
  ~ ~~ ~~  ~~~ ~~ ~~ 

 


    Sur le rivage insondable des abandons
    la mer raconte ses insomnies
    croise la douleur
    réveille les muses
    de mots crus et frais
    poésie explosive
    au bout d'une main tendue qui se brise
    dans un décor inattendu

À l'heure où le ciel s'endort
ne sait-on pas
que les poètes graves
doivent curieusement aller dormir
à l'ombre de leurs rêves
parmi un peuple de mots
dont les blessures s'épanchent
sur l'épaule de l'oreiller
nourries à même le plein des jours
délicieusement habité

dehors le temps grisaille
le vent s'accroche aux arbres
pendant que pleure le poème
sur la nuit esseulée


       *                 *           * 
                *      *         * 
       *               *          * 
            *     *         *
 

      0~~~
                    ~~~0
          0~~~ 
             *, 
                 
             ,  
              ,  
                ,  
               ,  
   ))))~))))~))))~))))~))))~))))~ 
  ¬¬¬¬¬¬¬¬¬¬¬¬¬¬¬¬¬¬¬¬¬ 
   ))))~))))~))))~))))~))))~))))~ 
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Y a des tranches de vie indigènes
d'où s'échappent des amours interdites
piétinées sous les pieds de l'oubli

Y a des tranches de vie comestibles
plongées dans le secret des blessures
sous le ramage d'une étoile solitaire

Y a des tranches de vie liquide
harnachées
qui produisent des ondes de choc
qui vous arrivent dans la gorge
comme un déluge venu inonder la peur

Y a des tranches de vie qui font des ronds
dans le liquide le comestible
des amours indigènes 

tendres
tendrement tendres
tous ces gestes
sur une fleur enivrée
qu'un doux regard
est venu désarmer

tendres
tendrement tendres
tous ces mots
jetés au sort
qu'une simple brise
est venue balayer

tendres
tendrement tendres
tous les mots
tous les gestes
bus à même ces lèvres
emprisonnées dans un délire

tendre
tendrement tendre
ce rêve nu
échoué entre la chair et l'âme


 

)  . ( 
)   ( 
)   ( 
)   ( 
)   ( 
)   ( 
)   ( 
)   ( 
)   ( 
)   ( 
)   ( 
)   ( 
)   ( 
)   ( 
)   ( 
)   ( 
)   ( 

 
Sans cris
sans joies
la vie cette impatiente
vient saturer le temps
et tous ses heurts
qui vous aiguisent l'âme
magnifiquement approfondie
comme un coup de grâce
dans la continuité des choses belles 
La vie bête fauve
de ses crocs vient mordre
les échines langoureuses
entre ses griffes empoigne
cet amour spontané
arraché à la flamme
d'une âme enivrée

vie fauve
vie sèche
au coeur du tendre
dérive sur un fleuve
appelé liberté 

Cette chair qui nous déchire
vient mourir à l'ombre d'un poème
habité par les mots par les sons
d'un volcan balafré
par tant de braises
par tant de pluies
par tant de cendres
sur le visage de l'âme abîmée
ramassée par les peurs qui filent
entre les dents des jours trop aiguisés
À la dérive
quelques mots tendres se répondent
entre la lumière et l'ombre
par vagues successives
viennent s'échouer sur le rivage
d'une âme emportée
sur la mer
déchirée

joie paix santé bonheur
dans la dureté des jours
quand les nuits scintillent
au coeur du rêve en allé
sans appel

Atteint au coeur du crépuscule
le jour se meurt gris
enchaîné aux mots
sur banc de pierres
qu'un simple rêve
a terrassé

était-ce un rêve
ou bien l'amour
trop fasciné
par tant de bruits
autour d'un personnage
étoilé

Noire pluie noire
sur la chair abritée
quand la beauté perdure
dans un souffle vert émeraude
s'abandonne dans la sève
des regards endormis

Noire pluie noire
sur la peur détrempée
par tant de vains mots
qui racontent des peines
affichées à l'écran
d'un grand ciel trop aimé

Enivrée d'un silence
je titube vers les mots
murmurés à l'oreille
de mon âme profanée
emportés par la vague
que vient bercer ma nuit
jusqu'à l'aube
dégrisée 
Éternel dur pays
en mon âme givrée
que portage le soleil
sur les rives sanglantes
de mille lacs mille rivières
vers le flot de l'oubli

cette marche du feu
vient brûler les attentes
arrachées à nos pas
trop fragiles
et brisés


© Éditions En Marge et Huguette Bertrand
Dépôt légal / 1999,
59 p.
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
ISBN 2-921818-18-3 - Tous droits réservés

 

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