Oeuvres d'Alphonse Piché


REMOUS
(extrait de Voie d'eau)

Fuis cette onde placide
Où s’ébat trop de ciel ;
Je saurai de mon ventre fluide
T’arracher au soleil. Je saurai,
Tes jambes à mes jambes soeurs
Et ton coeur enserré de mes bras,
Épuiser l’ultime paysage
Du dernier souvenir.

Ta nuit seule en ma nuit ;
Ton âme flétrie à mon agonie ;
Ta musique ardente morte à mon long silence :
Je glisserai sur toi mes lentes caresses d’algues...
Et dans les conques nouvelles de ta bouche et tes yeux
J’éterniserai
La mortelle douceur de mon baiser
Et de mes larmes.

 


SAISONS
(extrait de Dernier Profil, p. 10

Furent
la boue
les vases initiales Nuit de germe rompu
ô terre matricielle
dans le pas éternel des verdures grand largue
vulvaire printemps
d’inextricable effort

Furent
des bruits de soleil
et de large lumière
le chaste été aux mille midis
comme un enfant blotti en son mystère
repu d’oiseau et d’herbe
et de sable aux lèvres d’eau
s’endort
d’or

Furent
rétrécies la courbure du jour
et la tombée des heures
l’humilité des lampes
la horde des labours
fenêtre d’éternité
aux lueurs anéanties d’automne

Furent
les hâves rapaces
descendus du froid aux angles grêles
leurs griffes dans le suaire déchiré des neiges
repérées les aires de la mort
dénudé le lieu chaud des viscères
ô vieillesse rendue d’hiver

 


SURSIS
(extrait de Sursis, p. 33)

D’ombre
femme
bête d’odeurs
d’organes
de beauté de larmes
roule mon angoisse
dans tes velours tes soies
Que l’alcool de ta salive
ta langue
tes dents pures
me soûlent de vie
Que le poulpe de tes gestes
enlace mon être
sombré
dans les fanges abyssales
de la vieillesse
du néant fraternel

 


LUEURS
(extrait de Retour, p. 23

Le silence effarant de l'étoile
le silence sacré de la pierre
le silence mesquin du tombeau
le silence anéanti de la mort
le silence haletant de l'amour
or tel un encens d'Orient
le silence peuplé de tes yeux noirs
incise l'espace
prolonge les failles du destin
et préside à l'éternité attentive


REFLUX
p. 19

Le flot vivace
de mon dernier amour
est retourné à la mer
demeurent des ossuaires monstres
brûlant et geignant
par les soleils et les tempêtes

BIBLIOGRAPHIE
Ballades de la petite extrace, poèmes, préface de Clément Marchand, illustrations d'Aline Piché), Montréal, Éditions Fernand Pilon, 1946
Remous, poèmes, Montréal, Éditions Fernand Pilon, 1947
Voie d’eau, poèmes, Montréal, Éditions Fernand Pilon, 1950
Poèmes 1946-1950, Trois-Rivières, Éditions du Bien Public, 1966
Poèmes 1946-1968 plus Gangue, Montréal, Éditions de l'Hexagone, coll. «Rétrospective», 1976
Dernier profil, poèmes, Trois-Rivières, Éd. Les Écrits des Forges, coll. «Radar», 1982
Fenêtre (livre d'art, poèmes d'Alphonse Piché, estampes de Louise Lavoie-Maheux), Trois-Rivières, Ateliers Presse-Papier, 1987
Sursis, poèmes, illustration de la couverture Aline Piché-Wissell), Trois-Rivières, Éd. Les Écrits des Forges, coll. «Radar», 1987
Le choix d’Alphonse Piché dans l’oeuvre d’Alphonse Piché, Charlesbourg, Québec, Éd. Les Presses Laurentiennes, 1987
Éros et Thanatos, livre d'art, poèmes d'Alphonse Piché, lithographies de Guy Langevin), Trois-Rivières, Atelier Presse-Papier, 1989
Fables, (illustration de la couverture Aline Piché-Whissell), Montréal, Éditions de l'Hexagone, coll. «Fictions», 1989
Néant Fraternel, poèmes, Trois-Rivières, Éd. Les Écrits des Forges/Koudhia, 1991
Retour, poèmes, Trois-Rivières, Éd. Les Écrits des Forges/L'Orange bleue, 1997

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